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2010 – A lire…

“Voyage dans l’Anthropocène”

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de Claude Lorius et Laurent Carpentier

“Sans le savoir, nous avons peut-être changé d’ère géologique, quitté silencieusement sans fêtes grandioses ni commémoration les onze mille années de l’ère holocène qui, du fait de sa grande stabilité climatique, a vu naître l’agriculture, l’homme industrieux et industriel, ce que nous appelons le “monde moderne”. Nous voilà donc appelés à un nouveau voyage dans un nouveau cadre géologique et climatique : l’ère Anthropocène, ère dans laquelle l’homme est devenu la principale force géophysique capable de modifier son environnement. La transformation invisible a commencé il y a plus de deux cents ans, avec la révolution industrielle. À l’époque, seuls quelques penseurs, lanceurs d’alertes, mystiques ou poètes avaient pressenti son importance et ses risques. Le terme d’“ère Anthropocène” ne sera inventé qu’à la fin du XXe siècle par Paul Crutzen, prix Nobel de chimie. Depuis, il se diffuse peu à peu au sein de la communauté scientifique, au point que les stratigraphes du monde entier, ces savants qui définissent les grands tiroirs de l’histoire de la Terre, envisagent, à la demande de leurs collègues britanniques, d’officialiser notre nouveau cadre en 2012 lors du prochain congrès de Brisbane.

Faut-il se réjouir d’une telle marque d’intérêt ? Anthropocène. Le mot a quelque chose d’effrayant. Sa musique nous emmène vers un autre mot, anthropophage, mangeur d’hommes, monstre qui dévore sa propre espèce. Pour la première fois, la métamorphose de l’enveloppe terrestre est directement née de l’action de l’homme et de son organisation de vie sur terre. À force de produire de manière intensive, d’émettre du gaz carbonique dans l’atmosphère, c’est la géologie même de la Terre que l’homme modifie à sa guise, et donc ses propres ressources vitales. Celui qui nous en parle s’appelle Claude Lorius, glaciologue de renom. C’est grâce à lui et à son équipe d’explorateurs que nous pouvons remonter à travers le cristal et les bulles emprisonnées dans les carottes de glace les variations du climat sur des centaines de milliers d’années. Avec son thermomètre isotopique, Claude Lorius a en quelque sorte inventé la jauge de l’ère Anthropocène et, par là même, l’instrument de mesure de notre responsabilité face à la Terre et aux générations futures.

Claude Lorius, membre de l’Académie des Sciences, est glaciologue. Il est l’un des héros légendaires du premier hivernage en Antarctique en 1957. En mettant en valeur l’importance des gaz à effet de serre sur la température de la Terre, il apporte la preuve qu’en surproduisant du gaz carbonique, l’homme est responsable du réchauffement climatique. Distingué par de nombreux prix, il est le seul Français à avoir reçu le prestigieux Blue Planet Prize en 2008 à Tokyo.

Laurent Carpentier, journaliste, a participé à la création de la première Agence française d’Informations sur l’Environnement (l’AIE). Spécialiste de ces questions, grand reporter free-lance, il travaille aujourd’hui régulièrement pour Le Monde Magazine sur des enquêtes au long cours. Portraitiste et reporter, il cherche sur le terrain, auprès des hommes et de leurs vies, à réfléchir et à donner à réflechir sur la marche du monde.

Aujourd’hui le scientifique reprend le chemin de l’exploration avec Laurent Carpentier, rencontré au Groënland, auteur d’articles de référence sur l’environnement. Ensemble, ils remontent le temps et l’histoire de l’humanité. Ensemble, ils nous font part de leur vertige face à l’extraordinaire accélération du développement de l’espèce humaine depuis deux cents ans. C’est en citoyen du monde que l’explorateur fait ce nouveau voyage, mêlant le regard du jeune chercheur enthousiaste et visionnaire prêt à s’enterrer pendant un an sous les glaces et celui de l’homme âgé en quête d’un sursaut de l’homme. Il n’a pas de mode d’emploi, il nous passe le témoin pour que nous inventions notre chemin pour un monde capable de préserver nos vies dans les cent ans à venir. Tout comme lui s’est lancé à vingt-trois ans dans les glaces sans avoir la moindre idée de ce qu’il y trouverait.”  extrait du site des éditions Actes-Sud


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